N'en jetons presque plus ! Trions, reprenons, détournons.
L'essentiel est presque bien dit et redit, en long, en large...
Reprenons serré, de travers, à travers.
Par les moyens d'avenir du présent. Pour le présent de l'avenir.
(OTTO)KARL

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2014-01-01

calendrier de l'avent « fête étrange »

à Caroline

Merci à I.K., J.D., D.J., D.S.,

J'ai depuis quelque temps le projet d'envoyer une ottosélection de
Potlatch à Caroline [...], mais jour après jour, numéro après numéro, jusqu'à noël ou le 31 décembre [2013]. Les plus initiés d'entre vous savent que Potlatch était une publication sauvage, envoyée régulièrement à des gens (soi-disant) au hasard. Cette fois, le principe est inversé. Comme Caroline a le désir d'organiser un jour une « fête étrange » (référence au Grand Meaulnes) et qu'à ce propos je lui ai évidemment parlé des situationnistes, le principe pour cette fois (...) serait de lui envoyer ça, une ottosélection (d'un numéro de la revue) par jour, dans l'ordre chronologique de publication originale, mais par des correspondants différents. (...) si vous voulez jouer le jeu... Une série cohérente (...) parlant justement – non seulement de détournements aussi, mais – de situations créées (telles les fêtes), de psychogéographie, de dérive, de dépaysement, d'architecture, de décoration... égrainée par divers correspondants inconnus d'elle. Fait étrange, non ? (...)
Bien sûr, j'en enverrai moi-même, donc elle comprendra d'où ça vient. Peut-être même assez vite. Mais d'abord lui faire cadeau de cette expérience... un peu étrange, et raccord au contenu. Songez aussi que dans une fête, on est plusieurs, et pas toujours connus des services. Surtout pour une « fête étrange », n'est-ce pas ? Et comme dans celle du
Grand Meaulnes. Donc, qui est partant ? Et qui en premier ? Et qui en deuxième, demain ? Etc.
(O.K.)


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1er décembre 2013

Vous le recevrez souvent.
(...)
Le 1er décembre...
(...)
LE JEU PSYCHOGÉOGRAPHIQUE DE LA SEMAINE

En fonction de ce que vous cherchez, choisissez une contrée, une ville de peuplement plus ou moins dense, une rue plus ou moins animée. Construisez une maison. Meublez-la. Tirez le meilleur parti de sa décoration et de ses alentours. Choisissez la saison et l’heure. Réunissez les personnes les plus aptes, les disques et les alcools qui conviennent. L’éclairage et la conversation devront être évidemment de circonstance, comme le climat extérieur ou vos souvenirs. S’il n’y a pas eu d’erreur dans vos calculs, la réponse doit vous satisfaire. (Communiquer les résultats à la rédaction.)

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2 décembre 2013

L’économie politique, l’amour et l’urbanisme sont des moyens qu’il nous faut commander pour la résolution d’un problème qui est avant tout d’ordre éthique.
Rien ne peut dispenser la vie d’être absolument passionnante. Nous savons comment faire.

(...)





EXERCICE DE LA PSYCHOGÉOGRAPHIE

Piranèse est psychogéographique dans l’escalier.
Claude Lorrain est psychogéographique dans la mise en présence d’un quartier de palais et de la mer.
Le facteur Cheval est psychogéographique dans l’architecture.
Arthur Cravan est psychogéographique dans la dérive pressée.
Jacques Vaché est psychogéographique dans l’habillement.
Louis II de Bavière est psychogéographique dans la royauté.
Jack l’Éventreur est probablement psychogéographique dans l’amour.
Saint-Just est un peu psychogéographique dans la politique (1).
André Breton est naïvement psychogéographique dans la rencontre.
Madeleine Reineri est psychogéographique dans le suicide (2).
Et Pierre Mabille dans la compilation des merveilles, Évariste Gallois dans les mathématiques, Edgar Poe dans le paysage, et dans l’agonie Villiers de l’Isle-Adam.


(1) La Terreur est dépaysante.
(2) (...) [La petite Madeleine Reineri, douze ans et demi, qui animait, sous le pseudonyme de Pirouette, l’émission radiophonique des Beaux Jeudis, au Poste Alpes-Grenoble, s’est jetée dans l’Isère, vendredi après-midi, après avoir déposé son cartable sur la berge de la rivière.]

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3 décembre 2013

CONSTRUCTION DE TAUDIS

On ne peut qu’admirer l’ingéniosité de nos ministres et de nos architectes urbanistes. Pour éviter toute rupture d’harmonie, ils ont mis au point quelques taudis types, dont les plans servent aux quatre coins de France. Le ciment armé est leur matériau préféré. Ce matériau se prêtant aux formes les plus souples, on ne l’emploie que pour faire des maisons carrées. La plus belle réussite du genre semble être la « Cité Radieuse » du génial Corbusier, encore que les réalisations du brillant Perret lui disputent la palme.
Dans leurs œuvres, un style se développe, qui fixe les normes de la pensée et de la civilisation occidentale du vingtième siècle et demi. C’est le style « caserne » et la maison 1950 est une boîte.
Le décor détermine les gestes : nous construirons des maisons passionnantes.


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4 décembre 2013

PROCHAINE PLANÈTE


Les constructeurs en sont perdus, mais d’inquiétantes pyramides résistent aux banalisations des agences de voyage. 
Le facteur Cheval a bâti dans son jardin d’Hauterives, en travaillant toutes les nuits de sa vie, son injustifiable « Palais Idéal » qui est la première manifestation d’une architecture de dépaysement. 
Ce Palais baroque qui détourne les formes de divers monuments exotiques, et d’une végétation de pierre, ne sert qu’à se perdre. Son influence sera bientôt immense. La somme de travail fournie par un seul homme avec une incroyable obstination n’est naturellement pas appréciable en soi, comme le pensent les visiteurs habituels, mais révélatrice d’une étrange passion restée informulée.
 Ébloui du même désir, Louis II de Bavière élève à grands frais dans les montagnes boisées de son royaume quelques délirants châteaux factices – avant de disparaître dans des eaux peu profondes.
La rivière souterraine qui était son théâtre ou les statues de plâtre dans ses jardins signalent cette entreprise absolutiste, et son drame.

(...)

Ferdinand Cheval et Louis de Bavière ont bâti les châteaux qu’ils voulaient, à la taille d’une nouvelle condition humaine.

LE MINIMUM DE LA VIE

(...) Le fait aussi que la vie passe, et que nous n’attendons pas de compensations, hors celles que nous devons inventer et bâtir nous-mêmes. (...)


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5 décembre 2013

(...)

les habitudes qu’il faut attaquer de front doivent faire place à un incessant renouvellement de merveilles.

(...)

Au-delà de l’esthétique, [la poésie] est toute dans le pouvoir des hommes sur leurs aventures. (...) La beauté nouvelle sera DE SITUATION, c’est-à-dire provisoire et vécue.
Les dernières variations artistiques ne nous intéressent que pour la puissance influentielle que l’on peut y mettre ou y découvrir. La poésie pour nous ne signifie rien d’autre que l’élaboration de conduites absolument neuves, et les moyens de s’y passionner.


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6 décembre 2013

LE BRUIT ET LA FUREUR

(...)
Notre démarche s’est, depuis, précisée à toute occasion.
Nous avons toujours avoué qu’une certaine pratique de l’architecture, par exemple, (...) ne représentait pour nous que des moyens d’approche d’une forme de vie à construire.
(...)
Nous avons assez dit que le programme de revendications défini naguère par le surréalisme – pour citer ce système – nous apparaissait comme un minimum dont l’urgence ne doit pas échapper.
(...)

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7 décembre 2013


La construction de situations sera la réalisation continue d’un grand jeu délibérément choisi ; le passage de l’un à l’autre de ces décors et de ces conflits dont les personnages d’une tragédie mouraient en vingt-quatre heures. Mais le temps de vivre ne manquera plus.
 À cette synthèse devront concourir une critique du comportement, un urbanisme influentiel, une technique des ambiances et des rapports, dont nous connaissons les premiers principes.
 Il faudra réinventer en permanence l’attraction souveraine que Charles Fourier désignait dans le libre jeu des passions.

(...)



ON DÉTRUIT LA RUE SAUVAGE

Un des plus beaux sites spontanément psychogéographiques de Paris est actuellement en voie de disparition :
 La rue Sauvage, dans le 13e arrondissement, qui présentait la plus bouleversante perspective nocturne de la capitale, placée entre les voies ferrées de la gare d’Austerlitz et un quartier de terrains vagues au bord de la Seine (rue Fulton, rue Bellièvre), est – depuis l’hiver dernier – encadrée de quelques-unes de ces constructions débilitantes que l’on aligne dans nos banlieues pour loger les gens tristes.
 Nous déplorons la disparition d’une artère peu connue, et cependant plus vivante que les Champs-Élysées et leurs lumières. (...)


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8 décembre 2013

LES BARBOUILLEURS

L’emploi de la polychromie pour la décoration extérieure des constructions des hommes avait toujours marqué l’apogée, ou la renaissance, d’une civilisation. Il ne reste rien, ou presque, des réalisations des Égyptiens, des Mayas ou Toltèques, ou des Babyloniens dans ce domaine. Mais on en parle encore.
Que les architectes reviennent depuis quelques années à la polychromie ne saurait donc nous surprendre. Mais leur pauvreté spirituelle et créatrice, leur manque total de simple humanité, sont au moins désolants. La polychromie ne sert actuellement qu’à masquer leur incompétence. Deux exemples, choisis après une enquête menée auprès de cent cinquante architectes parisiens, le prouvent assez :
Projet de trois jeunes architectes (22-25-27 ans) persuadés de leur génie et de leur nouveauté, naturellement admirateurs du Corbusier :
À Aubervilliers – lieu déshérité s’il en fut, puisqu’un jeune admirateur du céramiste saint-sulpicien Léger y a déjà fait des siennes –, long cube parallélépipédique rectangle. Pour faire comme il se doit « jouer » la façade jugée trop plate, on la flanquera de panneaux jaunes alternant avec des panneaux violets, de 1 m sur 60 cm. On laissera aux ouvriers le choix de la place des panneaux. Le hasard objectif en quelque sorte.
Mais à quand la première construction absolument « automatique » ?
Projet d’un architecte relativement connu (45 ans) :
Près de Nantes, « blocs » scolaires : deux longs cubes séparés par l’inévitable terrain de sport et ses magnifiques orangers nains en caisse. La construction de droite, côté garçons, sera recouverte de panneaux verts et rouges, 2 m sur 1, la construction de gauche, côté filles, de panneaux jaunes et violets, mêmes dimensions.
Les architectes en question vont réaliser cette adorable débauche de couleurs au moyen de minces panneaux de ciment. Ils ignorent à peu près totalement comment ce matériau va se comporter en présence des réactifs chimiques contenus dans les colorants. À Aubervilliers, seule une gouttière protégera de la pluie une façade de cinq étages. À Nantes, d’ailleurs, même insouciance, mais pour deux étages seulement.
On sait à quel point le violet est désagréablement influentiel ; on sait à quelles pompes il participe en général ; on pressent quel alliage formeront bientôt le jaune sale et le violet délavé. Ces exemples se passeront donc de commentaires. On jugera seulement de la pauvreté actuelle des recherches architecturales quand on saura que la plupart des architectes interviewés, lorsqu’ils s’intéressent à la polychromie, ne semblent vouloir se servir que du jaune et du violet, ou du rouge et du vert, alliage un peu « jeune » pour notre temps. Cependant, un architecte (45-50 ans) de la rue de l’Université, et un autre (même âge) de la rue de Vaugirard, préparent sans forfanterie des compositions plus intéressantes. Le premier, qui revient d’Amérique – et il paraît intéressant de noter qu’actuellement, la forme la plus civilisée d’architecture nous vient des U.S.A. avec Frank Lloyd Wright et son architecture « organique », ou d’Amérique latine, avec Rivera et ses villes –, construit surtout des villas pour gens riches, en travaillant dans les tons clairs, en se servant de matériaux sûrs, du carreau de céramique à la brique hollandaise. Le second travaille dans les mêmes teintes, mais pour des immeubles plus ou moins H.L.M. Il est donc assez limité dans sa recherche, et s’en voit parfois réduit à faire appel au ciment, quand ce n’est pas au « bloc Gilson ». On le regrettera pour lui – et pour les autres.

(...)

36 RUE DES MORILLONS

« Et c’est en ce temps-là que l’on commença de voir gravé çà et là sur les chemins, en lettres que personne ne pouvait effacer : C’est le commencement des aventures par lesquelles le lion mystérieux sera pris... »
Le curieux destin des objets trouvés ne nous intéresse pas tant que les attitudes de la recherche. Le nommé Graal, après avoir beaucoup défrayé la chronique, a rejoint son supérieur hiérarchique le commissaire principal Dieu, et les autres poulets de la Grande Maison du Père. Il en meurt tous les jours de vieillesse. La profession est tombée en discrédit.
Cependant, les gens qui cherchaient ce Graal, nous voulons croire qu’ils n’étaient pas dupes. Comme leur DÉRIVE nous ressemble, il nous faut voir leurs promenades arbitraires, et leur passion sans fins dernières. Le maquillage religieux ne tient pas. Ces cavaliers d’un western mythique ont tout pour plaire : une grande faculté de s’égarer par jeu ; le voyage émerveillé ; l’amour de la vitesse ; une géographie relative.
La forme d’une table change plus vite que les motifs de boire. Celles dont nous usons ne sont pas souvent rondes ; mais les « châteaux aventureux », nous allons un jour en construire.
Le roman de la Quête du Graal préfigure par quelques côtés un comportement très moderne.
POTLATCH 
A-T-IL LE PUBLIC LE PLUS INTELLIGENT DU MONDE ?


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9 décembre 2013

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LA DÉRIVE AU KILOMÈTRE

Un article de Christian Hébert publié par France-Observateur dans son numéro du 19 août réclame une solution radicale aux difficultés du stationnement dans Paris : l’interdiction de toutes les voitures privées à l’intérieur de la ville, et leur remplacement par un grand nombre de taxis à tarif modique.

Nous ne saurions trop applaudir à ce projet.

On connaît l’importance du taxi dans la distraction que nous appelons « dérive », et dont nous attendons les résultats éducatifs les plus probants.

Le taxi seul permet une liberté extrême de trajets. Parcourant des distances variables en un temps donné, il aide au dépaysement automatique. Le taxi, interchangeable, n’attache pas le « voyageur », il peut être abandonné n’importe où, et pris au hasard. Le déplacement sans but, et modifié arbitrairement en cours de route, ne peut s’accommoder que du parcours, essentiellement fortuit, des taxis.

L’adoption des mesures proposées par M. Hébert aurait donc l’immense avantage – outre le règlement égalitaire d’un problème particulièrement irritant – de permettre à de larges couches de la population de s’affranchir des chemins forcés du « Métrobus » pour accéder à un mode de dérive jusqu’ici assez dispendieux.

(...)

LA PSYCHOGÉOGRAPHIE ET LA POLITIQUE

« J’ai découvert que la Chine et l’Espagne ne sont qu’une seule et même terre, et que c’est seulement par ignorance qu’on les considère comme des États différents. »
Nicolas Gogol

(...)

ARIANE EN CHÔMAGE

On peut découvrir d’un seul coup d’œil l’ordonnance cartésienne du prétendu « labyrinthe » du Jardin des Plantes et l’inscription qui l’annonce :
LES JEUX SONT INTERDITS DANS LE LABYRINTHE.
On ne saurait trouver un résumé plus clair de l’esprit de toute une civilisation. (...)

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10 décembre 2013


Chère Caroline,

(J'espère que ce petit jeu, jusqu'ici, ne t'a pas trop importunée. Si ? Mais, pour te le faire découvrir dans l'optique de ton projet, j'ai eu le goût d'être un peu raccord à l'esprit du bulletin, tu comprends ? en même temps que d'une éventuelle fête étrange, évidemment. Par le fait étrange. On continue ?)

« Le bulletin Potlatch a paru vingt-sept fois, entre le 22 juin 1954 et le 5 novembre 1957. Il est numéroté de 1 à 29, le bulletin du 17 août 1954 ayant été triple (9-10-11). (...)
Potlatch était envoyé gratuitement à des adresses choisies par sa rédaction, et à quelques-unes des personnes qui sollicitaient de le recevoir. Il n’a jamais été vendu. Potlatch fut à son premier numéro tiré à 50 exemplaires. Son tirage, en augmentation constante, atteignait vers la fin plus de 400, ou peut-être 500 exemplaires. Précurseur de ce qui fut appelé vers 1970 « l’édition sauvage », mais plus véridique et rigoureux dans son rejet du rapport marchand, obéissant à son titre, pendant tout le temps où il parut, a été seulement donné.
(...)

novembre 1985

                                                                          ⓚ


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12 décembre 2013

« Je sais bien maintenant – grâce à l’expérience (...) dont j’ai malgré tout tiré quelque enseignement –, que c’est sur cette terre que se déroule notre vie. C’est ici qu’il faut construire, aimer, vivre. (...) »



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13 décembre 2013






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14 décembre 2013



LA LIGNE GÉNÉRALE

(...) se propose d’établir une structure passionnante de la vie. Nous expérimentons des comportements, des formes de décoration, d’architecture, d’urbanisme et de communication propres à provoquer des situations attirantes.
C’est le sujet d’une querelle permanente entre nous et beaucoup d’autres, finalement négligeables parce que nous connaissons bien leur mécanisme, et son usure.
Le rôle d’opposition idéologique que nous tenons est nécessairement produit par les conditions historiques. Il nous appartient seulement d’en tirer un parti plus ou moins lucide, et d’en savoir, au stade actuel, les obligations et les limites.

(...)

RÉSUMÉ 1954

Les grandes villes sont favorables à la distraction que nous appelons dérive. La dérive est une technique du déplacement sans but. Elle se fonde sur l’influence du décor.
Toutes les maisons sont belles. L’architecture doit devenir passionnante. Nous ne saurions prendre en considération des entreprises de construction plus restreintes.
Le nouvel urbanisme est inséparable de bouleversements économiques et sociaux heureusement inévitables. Il est permis de penser que les revendications révolutionnaires d’une époque sont fonction de l’idée que cette époque se fait du bonheur. La mise en valeur des loisirs n’est donc pas une plaisanterie.
Nous rappelons qu’il s’agit d’inventer des jeux nouveaux.



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15 décembre 2013

(...)
Des « revues de jeunes » paraissent pour défendre les valeurs révoltées de l’adolescence et de l’impuberté. Les plus honnêtes glosent autour du Grand Meaulnes.

(...)

UNE ARCHITECTURE DE LA VIE

Nous publions aujourd’hui quelques extraits du livre d’Asger Jorn Image et Forme sur l’architecture et son avenir, problème que nous n’avons cessé de soulever ici.
(...)

Utilité et fonction resteront toujours le point de départ de toute critique formelle ; il s’agit seulement de transformer le programme du Fonctionnalisme.
... Les fonctionnalistes ignorent la fonction psychologique de l’ambiance... l’aspect des constructions et des objets qui nous environnent et que nous utilisons a une fonction indépendante de leur usage pratique.
... Les rationalistes fonctionnalistes, en raison de leurs idées de standardisation, se sont imaginé que l’on pouvait arriver aux formes définitives, idéales, des différents objets intéressant l’homme. L’évolution d’aujourd’hui montre que cette conception statique est erronée. On doit parvenir à une conception dynamique des formes, on doit regarder en face cette vérité que toute forme humaine se trouve en état de transformation continuelle. On ne doit pas, comme les rationalistes, éviter cette transformation ; la faillite des rationalistes, c’est de n’avoir pas compris que la seule façon d’éviter l’anarchie du changement consiste à prendre conscience des Lois par lesquelles la transformation s’opère, et à s’en servir.
... Il est important de comprendre que tel conservatisme des formes est purement illogique parce qu’il n’est pas causé par le fait que l’on ne connaît pas la forme définitive et idéale de l’objet, mais bien par le fait que l’homme s’inquiète s’il ne trouve pas une part de « déjà vu » dans le phénomène inconnu... Le radicalisme des formes est causé par le fait que les gens s’attristent s’ils ne trouvent pas dans le connu quelque chose d’inusité. On peut trouver ce radicalisme illogique, comme font les tenants de la standardisation, mais on ne doit pas oublier que la seule voie vers la découverte est donnée par ce besoin de l’homme.
... L’architecture est toujours l’ultime réalisation d’une évolution mentale et artistique ; elle est la matérialisation d’un stade économique. L’architecture est le dernier point de réalisation de toute tentative artistique parce que créer une architecture signifie construire une ambiance et fixer un mode de vie.

Asger Jorn

(...)
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16 décembre 2013

(...)

« Il est temps de se rendre compte que nous sommes capables aussi d’inventer des sentiments, et peut-être, des sentiments fondamentaux comparables en puissance à l’amour ou à la haine. »

Paul Nougé (Conférence de Charleroi.)



(...)
La synthèse des revendications que l’époque moderne a permis de formuler reste à faire, et ne saurait se situer qu’au niveau du mode de vie complet. La construction du cadre et des styles de la vie est une entreprise fermée à des intellectuels isolés dans une société capitaliste. Ce qui explique la longue fortune du rêve.

(...) 

À vrai dire, (...) le prochain bouleversement de la sensibilité ne peut plus se concevoir sur le plan d’une expression inédite de faits connus, mais sur le plan de la construction consciente de nouveaux états affectifs.

(...)



LE SQUARE DES MISSIONS ÉTRANGÈRES


À la limite des sixième et septième arrondissements, ce square, cerné à très courte distance par la rue de Babylone et le boulevard Raspail, reste d’un accès difficile et se trouve généralement désert. Sa surface est assez étendue pour celle d’un square parisien. Sa végétation à peu près nulle. Une fois entré, on s’aperçoit qu’il affecte la forme d’une fourche.
La branche la plus courte s’enfonce entre des murs noirs, de plus de dix mètres de haut, et l’envers de grandes maisons. À cet endroit une cour privée en rend la limite difficilement discernable.
L’autre branche est surplombée sur sa gauche par les mêmes murs de pierre et bordée à droite de façades de belle apparence, celles de la rue de Commaille, extrêmement peu fréquentée. À la pointe de cette dernière branche on arrive à la rue du Bac, beaucoup plus active.
Toutefois le square des Missions Étrangères se trouve isolé de cette rue par un curieux terrain vague que des haies très épaisses séparent du square proprement dit. Dans ce square vague, fermé de toutes parts, et dont le seul emploi semble être de créer une distance entre le square et les passants de la rue du Bac, s’élève à deux mètres un buste de Chateaubriand en forme de dieu Terme, dominant un sol de mâchefer. La seule porte du square est à la pointe de la fourche, à l’extrémité de la rue de Commaille.

Le seul monument du lieu contribue encore à fermer la rue et à interdire l’accès du square vague. C’est un kiosque d’une grande dignité qui tend à donner toutes les impressions d’un quai de gare et d’un apparat médiéval. Le square des Missions Étrangères peut servir à recevoir des amis venant de loin, à être pris d’assaut la nuit, et à diverses autres fins psychogéographiques.



(...)

PIRE QU’ADAMOV !


Un royaliste et un R.P.F. portent sur scène La Condition humaine, reportage très romancé sur l’insurrection ouvrière de Shanghaï en 1927, écrit par le R.P.F. qui à cette époque était cosmopolite.
Les personnages du R.P.F. émettent des considérations générales sur l’esthétique de l’aventure, et l’acte gratuit dans le cadre du syndicalisme.
 Le R.P.F. lui-même a passé une grande partie de sa vie à s’interroger sur l’esthétique de l’aventure. Depuis il est devenu aventurier de l’esthétique.
(...)


LA VALEUR ÉDUCATIVE

Voix 1 : Parlons de la pluie et du beau temps, mais ne croyons pas que ce sont là des futilités ; car notre existence dépend du temps qu’il fait.



(...)



à suivre


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17 décembre 2013


QUELQUES FORMES QUE PRENDRA LA DÉRIVE


Elle doit être :

a) dans le temps – constante, lucide ; influentielle et surtout énormément fugitive.

b) dans l’espace – désintéressée, sociale, toujours passionnante.
 Peut s’effectuer à l’état latent, mais toujours les déplacements la favorisent.

En aucun cas elle ne doit être équivoque.


(...)



LA VALEUR ÉDUCATIVE



(...)

Voix 3 : Il ne restait plus qu’à étudier l’intérieur des continents dont on connaissait les contours.

Voix 1 : Les fruits, les fleurs poussent à profusion, et au milieu de cette nature splendide les indigènes se laissent vivre nonchalamment.

(...)

Voix 1 : Ils aiment les jeux, les chants, la danse, et reçoivent les étrangers avec une hospitalité généreuse. Mais ils sont aussi de hardis, de remarquables navigateurs.
(...)

à suivre


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18 décembre 2013

(...)

LA VALEUR ÉDUCATIVE

suite et fin


(...)

Voix 3 : Les hommes construisent leurs maisons en vue de l’usage qu’ils veulent en faire. La même maison ne convient pas à toutes les occupations, à tous les genres de vie.

(...)


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19 décembre 2013

(...)

Texte des invitations

Notre époque est parvenue à un niveau de connaissances et de moyens techniques qui rend possible une construction intégrale des styles de vie. Seules les contradictions de l’économie régnante en retardent l’utilisation.
C’est [l’existence] de ces possibilités qui condamne l’activité esthétique, dépassée dans ses ambitions et ses pouvoirs, de même que la maîtrise de certaines forces naturelles a condamné l’idée de Dieu.
Il est inutile d’attendre une invention esthétique importante. Aussi peu intéressantes que les timbres-poste oblitérés, et forcément aussi peu variées qu’eux, les productions littéraires ou plastiques ne sont plus les signes que d’un commerce abstrait.
La phase de transition que nous vivons bouleverse l’ordre des préséances dans le choix des structures, des cadres, et du public des moyens dits d’expression, qui doivent servir de moyens d’action sur le cours des événements. Ainsi, la publicité et la propagande nous paraissant primer toute notion de beauté durable, les travaux métagraphiques de certains d’entre nous ne sont pas destinés au musée du Louvre, mais à établir des maquettes d’affiches. (...)


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20 décembre 2013

(...)

RÉDACTION DE NUIT

Le tract Construisez vous-mêmes une petite situation sans avenir est actuellement apposé sur les murs de Paris, principalement dans les lieux psychogéographiquement favorables.
Ceux de nos correspondants qui auront pris plaisir à coller ce tract peuvent en réclamer d’autres à la rédaction (...).

L’ARCHITECTURE ET LE JEU

Johan Huizinga dans son Essai sur la fonction sociale du jeu établit que « ... la culture, dans ses phases primitives, porte les traits d’un jeu, et se développe sous les formes et dans l’ambiance du jeu ». L’idéalisme latent de l’auteur, et son appréciation étroitement sociologique des formes supérieures du jeu, ne dévalorisent pas le premier apport que constitue son ouvrage. Il est vain, d’autre part, de chercher à nos théories sur l’architecture ou la dérive d’autres mobiles que la passion du jeu.
Autant le spectacle de presque tout ce qui se passe dans le monde suscite notre colère et notre dégoût, autant nous savons pourtant, de plus en plus, nous amuser de tout. Ceux qui comprennent ici que nous sommes des ironistes sont trop simples. La vie autour de nous est faite pour obéir à des nécessités absurdes, et tend inconsciemment à satisfaire ses vrais besoins.
Ces besoins et leurs réalisations partielles, leurs compréhensions partielles, confirment partout nos hypothèses. Un bar, par exemple, qui s’appelle « Au bout du monde », à la limite d’une des plus fortes unités d’ambiance de Paris (le quartier des rues Mouffetard-Tournefort-Lhomond), n’y est pas par hasard. Les événements n’appartiennent au hasard que tant que l’on ne connaît pas les lois générales de leur catégorie. Il faut travailler à la prise de conscience la plus étendue des éléments qui déterminent une situation, en dehors des impératifs utilitaires dont le pouvoir diminuera toujours.
Ce que l’on veut faire d’une architecture est une ordonnance assez proche de ce que l’on voudrait faire de sa vie. Les belles aventures, comme on dit, ne peuvent avoir pour cadre, et origines, que les beaux quartiers. La notion de beaux quartiers changera.
Actuellement déjà on peut goûter l’ambiance de quelques zones désolées, aussi propres à la dérive que scandaleusement impropres à l’habitat, où le régime enferme cependant des masses laborieuses. Le Corbusier reconnaît lui-même, dans L’urbanisme est une clef, que, si l’on tient compte du misérable individualisme anarchique de la construction dans les pays fortement industrialisés, « ... le sous- développement peut être tout autant la conséquence d’un superflu que celle d’une pénurie ». Cette remarque peut naturellement se retourner contre le néo-médiéval promoteur de la « commune verticale ».
Des individus très divers ont ébauché, par des démarches apparemment de même nature, quelques architectures intentionnellement déroutantes, qui vont des célèbres châteaux du roi Louis de Bavière à cette maison de Hanovre, que le dadaïste Kurt Schwitters avait, paraît-il, percée de tunnels et compliquée d’une forêt de colonnes d’objets agglomérés. Toutes ces constructions relèvent du caractère baroque, que l’on trouve toujours nettement marqué dans les essais d’un art intégral, qui serait complètement déterminant. À ce propos, il est significatif de noter les relations entre Louis de Bavière et Wagner, qui devait lui-même rechercher une synthèse esthétique, de la façon la plus pénible et, somme toute, la plus vaine.
Il convient de déclarer nettement que si des manifestations architecturales, auxquelles nous sommes conduits à accorder du prix, s’apparentent par quelque côté à l’art naïf, nous les estimons pour tout autre chose, à savoir la concrétisation de forces futures inexploitées d’une discipline économiquement peu accessible aux « avant-gardes ». Dans l’exploitation des valeurs marchandes bizarrement attachées à la plupart des modes d’expression de la naïveté, il est impossible de ne pas reconnaître l’étalage d’une mentalité formellement réactionnaire, assez apparentée à l’attitude sociale du paternalisme. Plus que jamais, nous pensons que les hommes qui méritent quelque estime doivent avoir su répondre à tout.
Les hasards et les pouvoirs de l’urbanisme, que nous nous contentons actuellement d’utiliser, nous ne cesserons pas de nous fixer pour but de participer, dans la plus large mesure possible, à leur construction réelle.
Le provisoire, domaine libre de l’activité ludique, que Huizinga croit pouvoir opposer en tant que tel à la « vie courante » caractérisée par le sens du devoir, nous savons bien qu’il est le seul champ, frauduleusement restreint par les tabous à prétention durable, de la vie véritable. Les comportements que nous aimons tendent à établir toutes les conditions favorables à leur complet développement. Il s’agit maintenant de faire passer les règles du jeu d’une convention arbitraire à un fondement moral.

(...)


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21 décembre 2013

(...)

DE L’AMBIANCE SONORE 
DANS UNE CONSTRUCTION PLUS ÉTENDUE

De l’inspiration originelle et simultanée des primitifs à la symphonie conditionnée, l’art musical a exploité toutes les veines instrumentales.

Mais, tels les arts majeurs, la musique n’a su éviter l’empirisme : phases de transcription et d’imitation (les éléments déchaînés, vent, océan, etc., l’arche de Noé, et plus récemment les multiples pseudo-reproductions du matériel ferroviaire), plaisanteries qui perdirent tout leur sel à l’apparition du premier phonographe, puisque dès lors s’offrait la possibilité d’entendre de vrais animaux ou une vraie locomotive, si l’on tenait vraiment à en entendre, au lieu de tenter de l’exprimer d’une manière plus ou moins confuse.

Le retour aux primitifs, en faisant appel à certaines formes de jazz, paracheva la décadence ; depuis Satie la musique survivait en tant que distraction facile, ou en tant que métier. Mais la faillite arriva à un stade tel que l’on assista à une course aux nouveaux instruments, ou le plus souvent à la complication de ceux existant. La progression artistique, au lieu de s’effectuer dans le sens de la création simultanée, s’était abâtardie par des apports médiocres tendant à la spécialisation.

Il faut dès le commencement des notions plus subtiles. La création consiste dans la recherche des sujets accessibles aux nouveaux matériaux, c’est-à-dire dans la trouvaille de prétextes inusités. La composition réside dans la poursuite des expressions futures, plus proches des sujets qui, de ce fait, sauront les exprimer plus activement.

L’élaboration assumera l’acquisition de SONS inouïs. Il y aura la faculté d’écouter, parce que l’attention ne devra plus se fixer pour la compréhension, mais pour saisir la beauté jusque-là restée hermétique. Aux entités musicales habituelles succéderont des séquences syncopées mettant en valeur des vibrations choisies pour leur cadence, leur intensité, ou leur timbre. La cohérence harmonique et le synchronisme aisé sont autant de facteurs parasitaires qu’il faudra abolir. Mais est-ce de la musique ? Telle sera la question posée, la nouveauté apportant chaque fois avec elle ce sentiment de violation, de sacrilège – ce qui est mort est sacré, mais ce qui est neuf, c’est-à- dire différent, voilà qui est pernicieux.

Non, ce n’est plus de la musique. Le règne du cornet à piston a pris fin en même temps que celui du tailleur de pierre.

La différence entre les arts augmente la confusion. Aussi ne distinguera-t-on plus les arts forts, mais un art maître les absorbant : l’art du béton par exemple. Dans le même ordre la nouvelle architecture déterminera une plastique sonore (par l’emploi des ondes moléculaires) qui s’identifiera au décor. On assistera alors à la découverte de climats bouleversants.

L’art n’est plus une belle chose rendue par des moyens, mais de beaux moyens qui rendent occasionnellement quelque chose.

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LA DÉRIVE PLUS LOIN

Durant la période des vacances Potlatch ne paraîtra qu’une seule fois, ses rédacteurs profitant de la raréfaction des habitants dans la capitale pour y poursuivre intensivement leurs recherches psychogéographiques.

« LE JOURNAL DES FAUX-MONNAYEURS »

« ... le potlatch est une grande cérémonie solennelle où l’un d’entre deux groupes dispense des présents à l’autre sur une grande échelle, avec force démonstrations et rites, et à seule fin de prouver ainsi sa supériorité sur celui-ci. L’unique, mais indispensable contre-prestation réside dans l’obligation pour l’autre partie de renouveler la cérémonie dans un intervalle donné et si possible, en renchérissant sur la précédente. »

(Extrait de Homo Ludens, Gallimard, 1951, collection « Les Essais ».)



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22 décembre 2013


22
Numéro des vacances

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Ainsi le mouvement « précieux », si longtemps dissimulé par les mensonges scolaires sur le XVIIe siècle, et bien que les formes d’expression qu’il ait inventées nous soient devenues aussi étrangères qu’il est possible, est en passe d’être reconnu comme le principal courant d’idées du « Grand Siècle » parce que le besoin que nous ressentons en ce moment d’un bouleversement constructif de tous les aspects de la vie retrouve le sens de l’apport capital de la Préciosité dans le comportement et dans le décor (la conversation, la promenade comme activités privilégiées – en architecture, la différenciation des pièces d’habitation, un changement des principes de la décoration et de l’ameublement).

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 Ce que nous trouvons de plus valable dans notre action, jusqu’à présent, c’est d’avoir réussi à nous défaire de beaucoup d’habitudes et de fréquentations. On a beau dire, assez rares sont les gens qui mettent leur vie, la petite partie de leur vie où quelques choix leur sont laissés, en accord avec leurs sentiments, et leurs jugements. Il est bon d’être fanatique, sur quelques points. Une revue orientaliste- occultiste, au début de l’année, parlait de nous comme « ... des esprits les plus brumeux, théoriciens anémiés par le virus du “dépassement”, toujours à effet purement verbal d’ailleurs». Ce qui gêne ces minables, c’est bien que l’effet n’en soit pas purement verbal. Bien sûr, on ne nous prendra pas à dynamiter les ponts de l’Île Louis pour accentuer le caractère insulaire de ce quartier ni, sur la rive d’en face, à compliquer et embellir nuitamment les bosquets de briques du quai Bernard. C’est que nous allons au plus urgent, avec les faibles moyens qui sont nôtres pour l’instant.

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Il s’agit d’une manière de vivre qui passera par bien des explorations et des formulations provisoires, qui tend elle-même à ne s’exercer que dans le provisoire. La nature de cette entreprise nous prescrit de travailler en groupe, et de nous manifester quelque peu : nous attendons beaucoup des gens, et des événements, qui viendront. Nous avons aussi cette autre grande force, de n’attendre plus rien d’une foule d’activités connues, d’individus et d’institutions.
Nous devons apprendre beaucoup, et expérimenter, dans la mesure du possible, des formes d’architecture aussi bien que des règles de conduite. Rien ne nous presse moins que d’élaborer une doctrine quelconque : nous sommes loin de nous être expliqué assez de choses pour soutenir un système cohérent qui s’édifierait intégralement sur les nouveautés qui nous paraissent mériter que l’on s’y passionne.

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23 décembre 2013

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Le seul rôle de l’architecture est de servir les passions des hommes.

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LA MAISON À FAIRE PEUR


Une réunion lettriste en date du 20 septembre a décidé d’établir par plans et maquettes le modèle d’une « maison à faire peur ». Le thème de cet exercice souligne suffisamment qu’il ne s’agit pas d’aboutir à une quelconque harmonie visuelle. Il est à noter cependant que si cette maison est étudiée volontairement en fonction d’un sentiment simple, sa conception devra tenir compte des nuances affectives convenant aux multiples situations qui peuvent réclamer un cadre effrayant.


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LA CARTE FORCÉE

L’établissement collectif d’un plan psychogéographique de Paris et de ses environs a été activement poursuivi depuis un mois, par diverses observations et reconnaissances (Butte-aux-Cailles, Continent Contrescarpe, Morgue, Aubervilliers, désert de Retz).

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DU RÔLE DE L’ÉCRITURE
Les lettristes ont tenu une première réunion d’information pour arrêter les phrases qui, inscrites à la craie ou par quelque autre moyen dans des rues données, ajoutent à la signification intrinsèque de ces rues – quand elles en ont une.
Ces inscriptions devront étendre leurs effets depuis l’insinuation psychogéographique jusqu’à la subversion la plus simple. Les exemples qui suivent ont été choisis d’abord.
Pour la rue Sauvage (13e) : « Si nous ne mourons pas ici irons-nous plus loin ? » – pour la rue d’Aubervilliers (18e-19e) : « La révolution la nuit. » – pour la rue Benoît (6e) : « L’auto-bazar, que l’on dit merveilleux, ne vient pas jusqu’ici. » – pour la rue Lhomond (5e) : « Bénéficiez du doute. » – pour la rue Séverin (5e) : « Des femmes pour les Kabyles. »
En outre, l’accord s’est fait sur l’opportunité d’inscrire à proximité des usines Renault, dans certaines banlieues, et en quelques points des 19e et 20e arrondissements, la phrase de L. Scutenaire : « Vous dormez pour un patron. »






PROJET D’EMBELLISSEMENTS RATIONNELS DE LA VILLE DE PARIS




Les lettristes présents le 26 septembre ont proposé communément les solutions rapportées ici à divers problèmes d’urbanisme soulevés au hasard de la discussion. Ils attirent l’attention sur le fait qu’aucun aspect constructif n’a été envisagé, le déblaiement du terrain paraissant à tous l’affaire la plus urgente.

Ouvrir le métro, la nuit, après la fin du passage des rames. En tenir les couloirs et les voies mal éclairés par de faibles lumières intermittentes.

Par un certain aménagement des échelles de secours, et la création de passerelles là où il en faut, ouvrir les toits de Paris à la promenade.

Laisser les squares ouverts la nuit. Les garder éteints. (Dans quelques cas un faible éclairage constant peut être justifié par des considérations psychogéographiques.)

Munir les réverbères de toutes les rues d’interrupteurs ; l’éclairage étant à la disposition du public.

Pour les églises, quatre solutions différentes ont été avancées, et reconnues défendables jusqu’au jugement par l’expérimentation, qui fera triompher promptement la meilleure :

G.-E. Debord se déclare partisan de la destruction totale des édifices religieux de toutes confessions. (Qu’il n’en reste aucune trace, et qu’on utilise l’espace.)

Gil J Wolman propose de garder les églises, en les vidant de tout concept religieux. De les traiter comme des bâtiments ordinaires. D’y laisser jouer les enfants.

Michèle Bernstein demande que l’on détruise partiellement les églises, de façon que les ruines subsistantes ne décèlent plus leur destination première (la Tour Jacques, boulevard de Sébastopol, en serait un exemple accidentel). La solution parfaite serait de raser complètement l’église et de reconstruire des ruines à la place. La solution proposée en premier est uniquement choisie pour des raisons d’économie.

Jacques Fillon, enfin, veut transformer les églises en maisons à faire peur. (Utiliser leur ambiance actuelle, en accentuant ses effets paniques.)

Tous s’accordent à repousser l’objection esthétique, à faire taire les admirateurs du portail de Chartres. La beauté, quand elle n’est pas une promesse de bonheur, doit être détruite. Et qu’est-ce qui représente mieux le malheur que cette sorte de monument élevé à tout ce qui n’est pas encore dominé dans le monde, à la grande marge inhumaine de la vie ?

Garder les gares telles qu’elles sont. Leur laideur assez émouvante ajoute beaucoup à l’ambiance de passage qui fait le léger attrait de ces édifices. Gil J Wolman réclame que l’on supprime ou que l’on fausse arbitrairement toutes les indications concernant les départs (destinations, horaires, etc.). Ceci pour favoriser la dérive. Après un vif débat, l’opposition qui s’était exprimée renonce à sa thèse, et le projet est admis sans réserves. Accentuer l’ambiance sonore des gares par la diffusion d’enregistrements provenant d’un grand nombre d’autres gares – et de certains ports.

Suppression des cimetières. Destruction totale des cadavres, et de ce genre de souvenirs : ni cendres, ni traces. (L’attention doit être attirée sur la propagande réactionnaire que représente, par la plus automatique association d’idées, cette hideuse survivance d’un passé d’aliénation. Peut-on voir un cimetière sans penser à Mauriac, à Gide, à Edgar Faure ?)

Abolition des musées, et répartition des chefs-d’œuvre artistiques dans les bars (l’œuvre de Philippe de Champaigne dans les cafés arabes de la rue Xavier-Privas ; le Sacre, de David, au Tonneau de la Montagne-Geneviève).

Libre accès illimité de tous dans les prisons. Possibilité d’y faire un séjour touristique. Aucune discrimination entre visiteurs et condamnés. (Afin d’ajouter à l’humour de la vie, douze fois tirés au sort dans l’année, les visiteurs pourraient se voir raflés et condamnés à une peine effective. Ceci pour laisser du champ aux imbéciles qui ont absolument besoin de courir un risque inintéressant : les spéléologues actuels, par exemple, et tous ceux dont le besoin de jeu s’accommode de si pauvres imitations.)

Les monuments, de la laideur desquels on ne peut tirer aucun parti (genre Petit ou Grand Palais), devront faire place à d’autres constructions.

Enlèvement des statues qui restent, dont la signification est dépassée – dont les renouvellements esthétiques possibles sont condamnés par l’histoire avant leur mise en place. On pourrait élargir utilement la présence des statues – pendant leurs dernières années – par le changement des titres et inscriptions du socle, soit dans un sens politique (Le Tigre dit Clemenceau, sur les Champs-Élysées), soit dans un sens déroutant (Hommage dialectique à la fièvre et à la quinine, à l’intersection du boulevard Michel et de la rue Comte ; Les grandes profondeurs, place du parvis dans l’île de la Cité).
Faire cesser la crétinisation du public par les actuels noms des rues. Effacer les conseillers municipaux, les résistants, les Émile et les Édouard (55 rues dans Paris), les Bugeaud, les Gallifet, et plus généralement tous les noms sales (rue de l’Évangile).
À ce propos, reste plus que jamais valable l’appel lancé dans le numéro 9 de Potlatch pour la non-reconnaissance du vocable saint dans la dénomination des lieux.

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24 décembre 2013


PANORAMA INTELLIGENT DE L'AVANT-GARDE À LA FIN DE 1955


URBANISME

À Paris, il est actuellement recommandé de fréquenter : la Contrescarpe (le Continent) ; le quartier chinois ; le quartier juif ; la Butte-aux-Cailles (le labyrinthe) ; Aubervilliers (la nuit) ; les squares du 7e arrondissement ; l’Institut médico-légal ; la rue Dauphine (Nesles) ; les Buttes-Chaumont (le jeu) ; le quartier Merri ; le parc Monceau ; l’île Louis (l’île) ; Pigalle ; les Halles (rue Denis, rue du Jour) ; le quartier de l’Europe (la mémoire) ; la rue Sauvage.
Il est recommandé de ne fréquenter en aucun cas : les 6e et 15e arrondissements ; les grands boulevards ; le Luxembourg ; les Champs-Élysées ; la place Blanche ; Montmartre ; l’École Militaire ; la place de la République, l’Étoile et l’Opéra; tout le 16e arrondissement.


POÉSIE

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Les « formes fixes » – au sens de cadres répondant aux besoins d’un travail donné – qu’il convient maintenant de pratiquer, pourront être momentanément : le procès-verbal de dérive, le compte rendu d’ambiance, le plan de situation.


DÉCORATION

Projet de J. Fillon pour l’aménagement d’une salle de réception : les trois quarts de la salle, constituant la partie que l’on traverse en entrant par la seule porte du lieu, sont meublés élégamment et n’ont aucune destination précise. Au fond de la salle se dresse une barricade, qui en délimite la partie utile, égale au quart de la superficie totale. Cette barricade est on ne peut plus réelle, constituée de pavés, sacs de sable, tonneaux et autres objets consacrés par l’usage. Elle s’élève à peu près à hauteur d’homme, avec quelques points culminants et quelques brèches ébauchées. Plusieurs fusils chargés peuvent être posés dessus. Une étroite chicane livre accès à la partie utile de la pièce, également meublée avec goût, où tout est disposé pour recevoir agréablement les amis et connaissances.
Cette salle de réception, qui implique évidemment un éclairage et un fond sonore appropriés, peut servir à varier l’ordonnance d’une maison banale, et n’y introduire qu’un pittoresque superficiel. Mais sa vraie destination est de s’intégrer dans un complexe architectural étendu, où apparaît pleinement sa valeur déterminante pour la construction d’une situation.

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CINÉMA

Il y a plusieurs années qu’on n’a pas vu un film qui apporte la moindre nouveauté.
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Dans ces conditions, le mieux est de ne plus s’inquiéter de l’état actuel de cet art. Dans les salles obscures que la dérive peut traverser, il faut s’arrêter un peu moins d’une heure, et interpréter en se jouant le film d’aventures qui passe : reconnaître dans les héros quelques personnages plus ou moins historiques qui nous sont proches, relier les événements du scénario inepte aux vraies raisons d’agir que nous leur connaissons, et à la semaine que l’on est soi-même en train de passer, voilà un divertissement collectif acceptable (voir la beauté du Prisonnier de Zenda quand on sait y nommer Louis de Bavière, J. Vaché sous les traits du comte Rupert de Rantzau, et l’imposteur qui n’est autre que G.-E. Debord). On peut aussi voir la série des aventures de l’admirable Dents-Blanches, dont l’utilisation actuelle, tout à fait négligeable, ne laisse pas de rappeler les vrais pouvoirs d’enseignement du cinéma.
Au cas où tout cela ne vous plairait vraiment pas, il ne vous reste qu’à aimer Les Mauvaises Rencontres d’Alexandre Astruc, où vous ne manquerez pas de reconnaître parfaitement, selon le mot étonnant de Jacques Doniol-Valcroze (France-Observateur du 20 octobre 1955) l’atmosphère et la signification de VOTRE jeunesse.

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ARTS PLASTIQUES

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Les diverses réalisations de la métagraphie, qui se proposent théoriquement d’intégrer en une seule écriture tous les éléments dont la signification peut servir, ont été, jusqu’à présent, tout à fait insuffisantes.

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PROPAGANDE

Un procédé « ... décisif pour l’avenir de la communication : le détournement des phrases », était désigné dans Internationale Lettriste n° 3 (août 1953).
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LITTÉRATURE

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Déjà, il faut signaler des truqueurs qui vont essayer de se faire une réputation en remâchant, dans un cadre purement littéraire, les émotions nouvelles que certaines associations d’événements peuvent entraîner. Ainsi M. Julien Gracq rédigeant de jolies narrations qui ont pour thème une ambiance et ses diverses composantes... (...)


Potlatch est envoyé à certaines des adresses qui sont communiquées à la rédaction.

Tous les textes publiés dans Potlatch peuvent être reproduits, imités, ou partiellement cités sans la moindre indication d’origine.


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25 décembre 2013

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« LA FORME D’UNE VILLE CHANGE PLUS VITE... »



La destruction de la rue Sauvage, signalée dans le numéro 7 de Potlatch (août 1954), avait été commencée vers le début de 1954 par diverses entreprises privées. Les terrains qui la bordaient du côté de la Seine furent promptement couverts de taudis. En 1955, les Travaux Publics s’en mêlèrent avec un acharnement incroyable, allant jusqu’à couper la rue Sauvage peu après la rue Fulton pour édifier un vaste immeuble – destiné aux P.T.T. – qui couvre le quart environ de la longueur de l’ancienne rue Sauvage. Celle-ci n’arrive plus à présent jusqu’au boulevard de la Gare. Elle s’achève au début de la rue Flamand.

La plus belle partie du square des Missions Étrangères (voir Potlatch, n° 16) abrite depuis cet hiver un certain nombre de roulottes-préfabriquées qui évoquent les mauvais coups de l’Abbé Pierre.

De plus, le mouvement continu qui porte depuis quatre ans le quartier de plaisirs (?) de la Rive Gauche à s’étendre à l’est du boulevard Michel et en direction de la Montagne-Geneviève, atteint une cote alarmante. Dès maintenant, la Montagne-Geneviève se trouve cernée par plusieurs établissements installés rue Descartes.

L’intérêt psychogéographique de ces trois points doit donc être considéré comme fortement en baisse, et notamment pour les deux premiers qui ne valent pratiquement plus le voyage.




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CONTRADICTIONS DE L’ACTIVITÉ LETTRISTE INTERNATIONALISTE



Nous n’avons guère en commun que le goût du jeu, mais il nous mène loin. Les réalités sur lesquelles il nous est facile de nous accorder sont celles mêmes qui soulignent l’aspect obligatoirement précaire de notre position : il est bien tard pour faire de l’art ; un peu tôt pour construire concrètement des situations de quelque ampleur ; la nécessité d’agir ne souffre aucun doute.

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ON Y VIENT


Une firme de Los Angeles s’est spécialisée dans la construction de « maisons assorties à la personnalité ». Pour familles « extraverties » ou « intraverties » au choix. Le prix varie entre quelques milliers de dollars et 180000 pour le véritable «château irlandais». (Paris- Presse du 14-12-55, citant Newsweek.)



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26 décembre 2013

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Pour un lexique lettriste

1. dériver, détourner l’eau (XIIe S., Job ; au fig. gramm., etc.), dérivation (13, 77, L.), -atif (XVe S.), empr. au lat. derivare, -atio, - ativus, au propre et au fig. (rac. rivus, ruisseau).
2. dériver, écarter de la rive (XIVe S., B.), comp. de rive.
3. dériver, mar., aller à la dérive (XVIe S., A. d’Aubigné, var. driver), croisement entre l’angl. to drive (proprem. « pousser ») et le précédent. – Dér. : dérive, -ation (1690, Furetière).
dériver, défaire ce qui est rivé. V. river.

LE BON EXEMPLE

Dans le dernier ouvrage paru sur Retz (éditions Albin-Michel) M. Pierre-Georges Lorris, sans se défendre du moralisme le plus conventionnel dans le jugement de son personnage, fait cependant justice de la ridicule explication de sa conduite par l’ambition : « De défaite en défaite, les Mémoires se poursuivront ainsi jusqu’au désastre final... ses Mémoires n’ont pas l’abattement d’un vaincu, mais l’amusement d’un joueur... Retz a atteint le seul but qu’il se proposait... »
L’extraordinaire valeur ludique de la vie de Gondi, et de cette Fronde dont il fut l’inventeur le plus marquant, restent à analyser dans une perspective vraiment moderne.
Dans la remarquable série des aventures du Dr Fu-Manchu, de M. Sax Rohmer, publiée en français dans les années 30 par la collection « Le Masque », il faut particulièrement distinguer Si-Fan Mystery (Le Masque de Fu-Manchu). Outre la beauté situationniste de l’attitude des personnages ennemis qui, en fait, n’ont de rapports que leur participation à un jeu effrayant dont Fu-Manchu est le metteur en scène, il faut reconnaître que l’utilisation, tantôt délirante et tantôt raisonnée, du décor, y frise la psychogéographie.



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27 décembre 2013


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... la création ne peut être maintenant qu’une synthèse qui tende à la construction intégrale d’une atmosphère, d’un style de la vie... Un urbanisme unitaire – la synthèse, s’annexant arts et techniques, que nous réclamons – devra être édifié en fonction de certaines valeurs nouvelles de la vie, qu’il s’agit dès à présent de distinguer et de répandre... »
(...)
... la « nécessité d’une construction intégrale du cadre de la vie par un urbanisme unitaire qui doit utiliser l’ensemble des arts et des techniques modernes » ; (...) la « reconnaissance d’une interdépendance essentielle entre l’urbanisme unitaire et un style de vie à venir... » qu’il faut situer « dans la perspective d’une liberté réelle plus grande et d’une plus grande domination de la nature » ;
(...)
... sans doute une des difficiles étapes, dans le secteur de la lutte pour une nouvelle sensibilité et pour une nouvelle culture...
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28 décembre 2013

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Les mystifications usées du monde que nous combattons peuvent toujours à quelque détour nous paraître des nouveautés, et nous retenir. Aucune étiquette n’en abrite. Aucune séduction ne suffit. Nous avons à trouver des techniques concrètes pour bouleverser les ambiances de la vie quotidienne.

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Il est certain que la décision de se servir, du point de vue économique comme du point de vue constructif, des fragments arriérés de l’esthétique moderne entraîne de graves dangers de décomposition. Des amis s’inquiètent, pour citer un cas précis, d’une prédominance numérique soudaine des peintres, dont ils jugent la production forcément insignifiante, et les attaches avec le commerce artistique indissolubles. Cependant il nous faut réunir les spécialistes de techniques très diverses ; connaître les derniers développements autonomes de ces techniques – sans tomber dans l’impérialisme idéologique qui ignore la réalité des problèmes d’une discipline étrangère et veut en disposer extérieurement – ; expérimenter un emploi unitaire des moyens actuellement épars. Nous devons donc courir le risque d’une régression ; mais tendre à dépasser au plus tôt les contradictions de la phase présente en approfondissant une théorie d’ensemble, et en parvenant à des expériences dont les résultats soient indiscutables.

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... mais d’autre part nous ne pouvons rien faire sans tenir compte au départ de ce cadre momentané.

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29 décembre 2013

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ENCORE UN EFFORT SI VOUS VOULEZ ÊTRE SITUATIONNISTES

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Le travail collectif que nous nous proposons est la création d’un nouveau théâtre d’opérations culturel, que nous plaçons par hypothèse au niveau d’une éventuelle construction générale des ambiances par une préparation, en quelques circonstances, des termes de la dialectique décor-comportement. Nous nous fondons sur la constatation évidente d’une déperdition des formes modernes de l’art et de l’écriture ; et l’analyse de ce mouvement continu nous conduit à cette conclusion que le dépassement de l’ensemble signifiant de faits culturels où nous voyons un état de décomposition parvenu à son stade historique extrême (sur la définition de ce terme, cf. « Rapport sur la construction des situations ») doit être recherché par une organisation supérieure des moyens d’action de notre époque dans la culture. C’est-à-dire que nous devons prévoir et expérimenter l’au-delà de l’actuelle atomisation des arts traditionnels usés, non pour revenir à un quelconque ensemble cohérent du passé (la cathédrale) mais pour ouvrir la voie d’un futur ensemble cohérent, correspondant à un nouvel état du monde dont l’affirmation la plus conséquente sera l’urbanisme et la vie quotidienne d’une société en formation. Nous voyons clairement que le développement de cette tâche suppose une révolution qui n’est pas encore faite, et que toute recherche est réduite par les contradictions du présent.
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avec la division du travail artistique.
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Nous sommes enfermés dans des rapports de production qui contredisent le développement nécessaire des forces productives, aussi dans la sphère de la culture. Nous devons battre en brèche ces rapports traditionnels, les arguments et les modes qu’ils entretiennent. Nous devons nous diriger vers un au-delà de la culture actuelle, par une critique désabusée des domaines existants, et par leur intégration dans une construction spatio-temporelle unitaire (la situation : système dynamique d’un milieu et d’un comportement ludique) qui réalisera un accord intérieur de la forme et du contenu.
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... nos ambitions sont nettement mégalomanes, mais peut-être pas mesurables aux critères dominants de la réussite. (...)


LES PSYCHOGÉOGRAPHES TRAVAILLENT

Le 10 août, vers 18 h 30, j’ai dépanné une jeune fille hindoue qui ne parlait pas un mot de français. Elle était en difficulté au portillon du métro Saint-Lazare. Je lui ai expliqué quel itinéraire elle devait prendre pour se rendre à Bièvres, au séminaire des Missions Étrangères. Tout cela était clairement expliqué sur un papier qu’elle m’a fait lire (en anglais). Je l’ai accompagnée sur le quai et fait monter dans la voiture de tête, en disant rapidement au chef de train de la faire descendre à Montparnasse. Lundi, par acquit de conscience, désireuse de savoir si cette enfant était bien arrivée, je m’inquiétai de savoir si elle avait pu arriver à temps pour prendre son autocar, étant donné l’heure tardive. On ne l’a pas vue au séminaire, et mardi la Supérieure n’avait encore vu personne. À l’ambassade de l’Inde, pas de nouvelles. S’est-elle perdue ? A-t-elle été kidnappée ? C’est un mystère...

« Une Lectrice Morfondue » écrit aux « Cœurs Malheureux » (France-Soir, 27 août 1957)




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30 décembre 2013

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DANS LES GALERIES DE PARIS

La peinture détournée d’Asger Jorn a été exposée le 6 mai, à la galerie Rive Gauche. Il s’agissait de vingt tableaux quelconques, partiellement repeints par Jorn. Les tableaux primitifs, qui avaient été faits en divers pays dans les cent dernières années, allaient du style purement pompier à l’impressionnisme. Cette exposition qui se proposait de « montrer que la nourriture préférée de la peinture, c’est la peinture », a été une forte illustration des thèses situationnistes sur le détournement, mode d’action à notre avis essentiel dans la culture de transition. Jorn, rappelant qu'il faut considérer « toutes les créations comme étant en même temps des réinvestissements », écrivait dans l'avertissement publié à ce propos (« Peinture détournée ») :
« Gardez vos souvenirs mais détournez-les pour qu'ils correspondent à votre époque. Pourquoi rejeter l'ancien, si on peut le moderniser avec quelques traits de pinceaux ?… Le détournement est un jeu dû à la capacité de dévalorisation. Celui qui est capable de dévaloriser peut seul créer de nouvelles valeurs. […] À vous de choisir entre le monument historique et l’acte qui le mérite. »
Le 13 mai, à la Galerie Drouin, les murs, les plafonds et le sol ont été entièrement recouverts avec 145 mètres de la peinture industrielle de Galazio. La mauvaise présentation de cet « essai de construction d’une ambiance » n’a malheureusement pas permis d’aboutir à une application efficace de la peinture industrielle déjà vue en Italie et en Allemagne.


PREMIÈRES MAQUETTES POUR L’URBANISME NOUVEAU
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... cette exposition peut marquer le passage, à l’intérieur de la production artistique moderne, de l’objet-marchandise se suffisant à lui-même et dont la fonction est d’être simplement regardé, à l’objet-projet dont la valorisation plus complexe en appelle à une action à mener, action d’un type supérieur concernant la totalité de la vie.

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LE GRAND JEU À VENIR
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Les situationnistes, explorateurs spécialisés du jeu et des loisirs, comprennent que l’aspect visuel des villes ne compte qu'en rapport avec les effets psychologiques qu'il pourra produire, et qui devront être calculés dans le total des fonctions à prévoir. Notre conception de l'urbanisme n'est pas limitée à la construction et à ses fonctions, mais aussi à tout usage qu'on pourra en faire, ou même en imaginer. Il va de soi que cet usage devra changer avec les conditions sociales qui le permettent, et que notre conception de l'urbanisme est donc tout d'abord dynamique. Aussi nous rejetons cette mise en place de bâtiments dans un paysage fixé qui passe maintenant pour le nouvel urbanisme. Au contraire, nous pensons que tout élément statique et inaltérable doit être évité, et que le caractère variable ou meuble des éléments architecturaux est la condition d'une relation souple avec les événements qui y seront vécus.

Étant conscients de ce que les loisirs à venir, et les nouvelles situations que nous commençons à construire, doivent profondément changer l'idée de fonction qui est au départ d'une étude urbaniste, nous pouvons déjà élargir notre connaissance du problème par l'expérimentation de certains phénomènes liés à l'ambiance urbaine : l'animation d'une rue quelconque, l'effet psychologique de diverses surfaces et constructions, le changement rapide de l'aspect d'un espace par des éléments éphémères, la rapidité avec laquelle l'ambiance des endroits change, et les variations possibles dans l'ambiance générale de divers quartiers. La dérive, telle que la pratiquent les situationnistes, est un moyen efficace pour étudier ces phénomènes dans les villes existantes, et pour en tirer des conclusions provisoires. La notion psychogéographique ainsi obtenue a déjà mené à la création de plans et de maquettes d'un type imaginiste, qu'on peut appeler la science-fiction de l'architecture.

Les inventions techniques qui sont actuellement au service de l'humanité joueront un grand rôle dans la construction des cités-ambiances à venir. Il est notable et significatif que ces inventions, jusqu'à présent, n'aient rien ajouté aux activités culturelles existantes, et que les artistes-créateurs n 'aient rien su en faire. Les possibilités du cinéma, de la télévision, de la radio, des déplacements et communications rapides, n'ont pas été utilisées et leur effet sur la vie culturelle a été des plus misérables. L'exploration de la technique et son utilisation à des fins ludiques supérieures sont une des taches les plus urgentes pour favoriser la création d'un urbanisme unitaire, à l'échelle qu'exige la société future.

PROCHAINS TRAVAUX SITUATIONNISTES
(...)
Une manifestation générale du mouvement situationniste aura lieu à Amsterdam à la fin du mois de mai 1960. Le projet comporte simultanément la construction d’un labyrinthe et l’aménagement à l’intérieur de celui-ci d’éléments d’atmosphère ludiques ; une exposition d’objet et de documents ; un cycle de conférences permanentes ; une intervention directe dans l’urbanisme et la vie quotidienne d’une grande ville, avec organisation de dérives radioguidées.


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31 décembre 2013

Prises (d')hier matin.
Pour finir...
... fêter...



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> architecture déterminant(e) à vivre

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